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fontaines se rencontrent et s’affrontent, par un hasard singulier, debout chacune au sommet de sa colonne, Minerve et Judith, la virago homérique et la virago biblique, l’une avec la tête de Méduse, l’autre avec la tête d’Holopherne.

Judith, belle, hautaine et charmante, entourée de quatre Renommées-Sirènes qui soufflent à ses pieds dans des trompettes, est une héroïque fille de la renaissance. Elle n’a plus la tête d’Holopherne qu’elle élevait de la main gauche, mais elle tient encore l’épée de sa main droite, et sa robe chassée par le vent se relève au-dessus de son genou de marbre et découvre sa jambe fine et ferme avec le pli le plus fier qu’on puisse voir.

Quelques explicateurs prétendent que cette statue représente la Justice, et qu’elle tenait à la main, non la tête d’Holopherne, mais une balance. Je n’en crois rien. Une Justice qui tiendrait la balance de la main gauche et l’épée de la main droite serait l’Injustice. D’ailleurs la Justice n’a le droit d’être ni si jolie ni si retroussée.

Vis-à-vis de cette figure s’élèvent, avec leur cadran noir et leurs cinq graves fenêtres de hauteur inégale, les trois pignons juxta-posés du Rœmer.

C’est dans le Rœmer qu’on élisait les empereurs ; c’est dans cette place qu’on les proclamait.

C’est aussi dans cette place que se tenaient et que se tiennent encore les deux fameuses foires de Francfort : la foire de septembre, instituée en 1240 par lettre de haut-conduit de Frédéric II ; et la foire de Pâques, établie en 1330 par Louis de Bavière. Les foires ont survécu aux empereurs et à l’empire.

Je suis entré dans le Rœmer.

Après avoir erré, sans rencontrer personne, dans une grande salle basse et torte, voûtée en ogive et encombrée des baraques de la foire, puis dans un large escalier à rampe Louis XIII, tapissé de mauvais tableaux sans cadres, puis dans une foule de corridors et de degrés obscurs, à force de frapper à toutes les portes, j’ai fini par trouver une servante qui, sur ce mot : Kaisersaal, a pris une clef à un clou dans sa cuisine et m’a conduit à la Salle des Empereurs.

La brave fille souriante m’a fait passer d’abord par la Salle des Électeurs,