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sombre et confuse mosaïque de la mort de jour en jour plus effacée sous les pieds de ceux qui vont et viennent.

J’omets également les quatre ou cinq tombeaux insignifiants du dix-neuvième siècle.

Toutes ces tombes, cinq exceptées, sont des sépultures d’archevêques. Sur ces trente-huit cénotaphes, dispersés sans ordre chronologique et comme au hasard sous une forêt de colonnes byzantines à chapiteaux énigmatiques, l’art de six siècles se développe, végète et croise inextricablement ses rameaux, d’où tombent, comme un double fruit, l’histoire de la pensée en même temps que l’histoire des faits. Là, Liebenstein, Hompurg, Gemmingen, Heufenstein, Brandebourg, Steinburg, Ingelheim, Dalberg, Eltz, Stadion, Weinsberg, Ostein, Leyen, Hennenberg, Tour-et-Taxis, presque tous les grands noms de l’Allemagne rhénane, apparaissent à travers ce sombre rayonnement que les tombeaux répandent dans les ténèbres des églises. Toutes les fantaisies d’époque, d’artiste et de mourant se mêlent à toutes les épitaphes. Les mausolées du dix-huitième siècle s’entr’ouvrent et laissent échapper leur squelette emportant dans ses longs doigts sans chair des mitres d’archevêques et des chapeaux d’électeurs. Les archevêques contemporains de Richelieu et de Louis XIV rêvent couchés au bas de leurs sarcophages et appuyés sur le coude. Les arabesques de la renaissance accrochent leurs vrilles et perchent leurs chimères dans les délicats feuillages du quinzième siècle et font entrevoir, sous mille complications charmantes, des statuettes, des distiques latins et des blasons coloriés. Des noms sévères, Mathias Burhecg, Conradus Rheingraf (Conrad, comte du Rhin), s’inscrivent, entre le moine tonsuré qui figure le clergé et l’homme d’armes morionné qui figure la noblesse, sous la pure ogive à triangle équilatéral du quatorzième siècle ; et, sur la lame peinte et dorée du treizième siècle, de gigantesques archevêques qui ont des monstres apocalyptiques sous les pieds couronnent de leurs deux mains à la fois des rois et des empereurs moindres qu’eux. C’est dans cette hautaine attitude que vous regardent fixement avec leurs yeux de momie égyptienne Siegfried, qui couronna deux empereurs : Henri de Thuringe et Wilhelm de Hollande ;