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de honte personnelle quand j& songe que la première s’est accomplie à nos portes et que la seconde se fait au centre même de Paris. Nous sommes tous coupables de ce double crime architectural, par notre silence, par notre tolérance, par notre inertie, et c’est sur nous tous contemporains que la postérité fera un jour justement retomber son blâme et son indignation, lorsqu’en présence de deux édifices défigurés, abâtardis, parodiés, mutilés, travestis, déshonorés, méconnaissables, elle nous demandera compte de ces deux admirables basiliques, belles entre les belles églises, illustres entre les illustres monuments, l’une qui était la métropole de la royauté, l’autre qui est la métropole de la France !

Baissons la tête d’avance. De pareilles restaurations équivalent à des démolitions.

Le badigeonnage, lui, se contente d’être stupide. Il n’est pas dévastateur. Il salit, il englue, il souille, il enfariné, il tatoue, il ridiculise, il enlaidit ; il ne détruit pas. Il accommode la pensée de César Césariano ou de Herwyn de Steinbach comme la face de Gautier-Garguille ; il lui met un masque de plâtre. Rien de plus. Débarbouillez cette pauvre façade empâtée de blanc, de jaune, ou de rose, ou de gris, vous retrouverez vivant et pur le vénérable visage de l’église.

S’asseoir au haut du Klopp, vers l’heure où le soleil décline, et de là regarder la ville à ses pieds et autour de soi l’immense horizon ; voir les monts se rembrunir, les toits fumer, les ombres s’allonger et les vers de Virgile vivre dans le paysage ; aspirer dans un même souffle le vent des arbres, l’haleine du fleuve, la brise des montagnes et la respiration de la ville, quand l’air est tiède, quand la saison est douce, quand le jour est beau, c’est une sensation intime, exquise, inexprimable, pleine de petites jouissances secrètes voilées par la grandeur du spectacle et la profondeur de la contemplation. Aux fenêtres des mansardes, de jeunes filles chantent les yeux baissés sur leur ouvrage ; les oiseaux babillent gaiement dans les lierres de la ruine, les rues fourmillent de peuple et ce peuple fait un bruit de travail et de bonheur ; des barques se croisent sur le Rhin, on entend les rames couper la vague,