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bâtie au milieu d’un paysage qui est lui-même une antithèse vivante. La ville, pressée à gauche par la rivière, à droite par le fleuve, se développe en forme de triangle autour d’une église gothique adossée à une citadelle romaine. Dans la citadelle, qui date du premier siècle et qui a long-temps servi de repaire aux chevaliers bandits, il y a un jardin de curé ; dans l’église, qui est du quinzième siècle, il y a le tombeau d’un docteur quasi-sorcier, ce Barthélémy de Holzhausen, que l’électeur de Mayence eût probablement fait brûler comme devin s’il ne l’avait payé comme astrologue. Du côté de Mayence rayonne, étincelle et verdoie la fameuse plaine-paradis qui ouvre le Rhingau. Du côté de Coblenz les sombres montagnes de Leyen froncent le sourcil. Ici la nature rit comme une belle nymphe étendue toute nue sur l’herbe ; là elle menace comme un géant couché.

Mille souvenirs, représentés l’un par une forêt, l’autre par un rocher, l’autre par un édifice, se mêlent et se heurtent dans ce coin du Rhingau. Là-bas ce coteau vert, c’est le joyeux Johannisberg ; au pied du Johannisberg, ce redoutable donjon carré qui flanque l’angle de la forte ville de Rudesheim, a servi de tête de pont aux romains. Au sommet du Niederwald, qui fait face à Bingen, au bord d’une admirable forêt, sur la montagne qui commence maintenant l’encaissement du Rhin et qui avant les temps historiques en barrait l’entrée, un petit temple à colonnes blanches, pareil à une rotonde de café parisien, se dresse au-dessus du morose et superbe Ehrenfels, construit au douzième siècle par l’archevêque Siegfried, mornes tours qui ont été jadis une formidable citadelle et qui sont aujourd’hui une ruine magnifique. Le joujou domine et humilie la forteresse. De l’autre côté du Rhin, sur le Ruppertsberg, qui regarde le Niederwald, dans les ruines du couvent de Disibodenberg, le puits bénit creusé par sainte Hildegarde avoisine l’infâme tour bâtie par Hatto. Les vignes entourent le couvent, les gouffres environnent la tour. Des forgerons se sont établis dans la tour, le bureau des douanes prussiennes s’est installé dans le couvent. Le spectre de Hatto écoute sonner l’enclume, et l’ombre de Hildegarde assiste au plombage des colis.