Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/79

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une heure après j’étais à Namur. Les deux vallées de la Sambre et de la Meuse se rencontrent et se confondent à Namur, qui est assise sur le confluent des deux rivières. Les femmes de Namur m’ont paru jolies et avenantes ; les hommes ont une bonne, grave et hospitalière physionomie. Quant à la ville en elle-même, excepté les deux échappées du vue du pont de Meuse et du pont de Sambre, elle n’a rien de remarquable. C’est une cité qui n’a déjà plus son passé écrit dans sa configuration. Sans architecture, sans monuments, sans édifices, sans vieilles maisons, meublée de quatre ou cinq méchantes églises rococo et de quelques fontaines Louis XV d’un mauvais goût plat et triste, Namur n’a jamais inspiré que deux poëmes, l’ode de Boileau et la chanson d’un poëte inconnu où il est question d’une vieille femme et du prince d’Orange ; et, en vérité, Namur ne mérite pas d’autre poésie.

La citadelle couronne froidement et tristement la ville. Pourtant je vous dirai que je n’ai pas considéré sans un certain respect ces sévères fortifications qui ont eu un beau jour l’honneur d’être assiégées par Vauban et défendues par Cohorn.

Où il n’y a pas d’église, je regarde les enseignes. Pour qui sait visiter une ville, les enseignes des boutiques ont un grand sens. Indépendamment des professions dominantes et des industries locales qui s’y révèlent tout d’abord, les locutions spéciales y abondent, et les noms de la bourgeoisie, presque aussi importants à étudier que les noms de la noblesse, y apparaissent dans leur forme la plus naïve et sous leur aspect le mieux éclairé.

Voici trois noms pris à peu près au hasard sur les devantures de boutiques à Namur ; tous trois ont une signification. - L’épouse Debarsy, négociante. — On sent, en lisant ceci, qu’on est dans un pays français hier, étranger aujourd’hui, français demain, où la langue s’altère et se dénature insensiblement, s’écroule par les bords et prend, sous des expressions françaises, de gauches tournures allemandes. Ces trois mots sont encore français, la phrase ne l’est déjà plus. - Crucifix-Piret, mercier. - Ceci est bien de la catholique Flandre. Nom, prénom ou surnom, Crucifix serait introuvable dans toute la France voltai-