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quement adhérent, les anciennes hordes barbares, toujours les mêmes aussi ; tantôt charrie pacifiquement les sapins de la Murg et de Saint-Gall, les porphyres et les serpentines de Bâle, la potasse de Bingen, le sel de Karlshall, les cuirs de Stromberg, le vif-argent de Lansberg, les vins de Johannisberg et de Bacharach, les ardoises de Caub, les saumons d’Oberwesel, les cerises de Salzig, le charbon de bois de Boppart, la vaisselle de fer-blanc de Coblentz, la verrerie de la Moselle, les fers forgés de Bendorf, les tufs et les meules d’Andernach, les tôles de Neuwied, les eaux minérales d’Antoniustein, les draps et les poteries de Wallendar, les vins rouges de l’Aar, le cuivre et le plomb de Linz, la pierre de taille de Kœnigswinter, les laines et les soieries de Cologne ; et il accomplit majestueusement à travers l’Europe, selon la volonté de Dieu, sa double fonction de fleuve de la guerre et de fleuve de la paix, ayant sans interruption, sur la double rangée de collines qui encaisse la plus notable partie de son cours, d’un côté des chênes, de l’autre des vignes, c’est-à-dire d’un côté le nord, de l’autre le midi, d’un côté la force, de l’autre la joie.

Pour Homère, le Rhin n’existait pas. C’était un des fleuves probables, mais inconnus, de ce sombre pays des cimmériens sur lesquels il pleut sans cesse et qui ne voient jamais le soleil. Pour Virgile, ce n’était pas le fleuve inconnu, mais le fleuve glacé. Frigora Rheni. Pour Shakespeare, c’est le beau Rhin ; beautiful Rhine. Pour nous, jusqu’au jour où le Rhin sera la question de l’Europe, c’est l’excursion pittoresque à la mode, la promenade des désœuvrés d’Ems, de Bade et de Spa.

Pétrarque est venu à Aix-la-Chapelle, mais je ne crois pas qu’il ait parlé du Rhin.

La géographie donne, avec cette volonté inflexible des pentes, des bassins et des versants que tous les congrès du monde ne peuvent contrarier longtemps, la géographie donne la rive gauche du Rhin à la France. La divine providence lui a donné trois fois les deux rives ; sous Pépin le Bref, sous Charlemagne et sous Napoléon.

L’empire de Pépin le Bref était à cheval sur le Rhin. Il comprenait la France proprement dite, moins l’Aquitaine