Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/142

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grande coulevrine de quatre aunes de long fondue à Cologne en 1400, en revanche, j’y ai vu un fort beau sarcophage romain et l’armure de l’évêque Bernard de Galen. On m’a aussi montré une énorme cuirasse qui passe pour avoir appartenu au général de l’empire Jean de Wert ; mais j’ai vainement cherché sa grande épée longue de huit pieds et demi, sa grande pique pareille au pin de Polyphème, et son grand casque homérique que deux hommes, dit-on, avaient peine à soulever.

Le plaisir de voir toutes ces choses belles ou curieuses, musées, églises, hôtels de ville, est tempéré, il faut le dire, par la grave importunité du pourboire. Sur les bords du Rhin, comme d’ailleurs dans toutes les contrées très visitées, le pourboire est un moustique fort importun, lequel revient, à chaque instant et à tout propos, piquer, non votre peau, mais votre bourse. Or la bourse du voyageur, cette bourse précieuse, contient tout pour lui, puisque la sainte hospitalité n’est plus là pour le recevoir au seuil des maisons avec son doux sourire et sa cordialité auguste. Voici à quel degré de puissance les intelligents naturels de ce pays ont élevé le pourboire. J’expose les faits, je n’exagère rien. — Vous entrez dans un lieu quelconque ; à la porte de la ville, un estafier s’informe de l’hôtel où vous comptez descendre, vous demande votre passe-port, le prend et le garde. La voiture s’arrête dans la cour de la poste ; le conducteur, qui ne vous a pas adressé un regard pendant toute la route, se présente, vous ouvre la portière et vous offre la main d’un air béat. Pourboire. Un moment après, le postillon arrive à son tour, attendu que cela lui est défendu par les règlements de police, et vous adresse une harangue charabia qui veut dire : pourboire. On débâche ; un grand drôle prend sur la voiture et dépose à terre votre valise et votre sac de nuit. Pourboire. Un autre drôle met le bagage sur une brouette, vous demande à quel hôtel vous allez, et se met à courir devant vous, poussant sa brouette. Arrivés à l’hôtel, l’hôte surgit et entame avec vous ce petit dialogue, qu’on devrait écrire dans toutes les langues sur la porte de toutes les auberges. — Bonjour, monsieur. — Monsieur, je voudrais une chambre. — C’est fort bien, monsieur. (À la cantonade :)