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affinité, sans nécessité, sans ordre, et, par conséquent, sans grandeur.

Si l’on arrive à la Chapelle par le chevet, l’effet est tout autre. La haute abside du quatorzième siècle vous apparaît dans toute son audace et dans toute sa beauté avec l’angle savant de son toit, le riche travail de ses balustrades, la variété de ses gargouilles, la sombre couleur de sa pierre et la transparence vitreuse de ses immenses lancettes au pied desquelles semblent imperceptibles des maisons à deux étages réfugiées entre les contre-forts.

Cependant de là encore l’aspect de l’église, si imposant qu’il soit, est hybride et discordant. Entre l’abside et le portail, dans une espèce de trou où toutes les lignes de l’édifice s’écroulent, se cache, à peine relié à la façade par un joli pont sculpté du quatorzième siècle, le dôme byzantin à frontons triangulaires qu’Othon III fit bâtir au dixième siècle au-dessus du tombeau même de Charlemagne.

Cette façade plaquée, ce dôme enfoui, cette abside rompue, voilà la Chapelle d’Aix. L’architecte de 1353 voulait aborder dans sa prodigieuse Chapelle l’église de Charlemagne, dévastée en 882 par les normands, et le dôme d’Othon III, incendié en 1236. Un système de chapelles basses, rattachées à la base de la grande chapelle centrale, devait, au portail près, envelopper tout l’édifice dans ses articulations. Déjà deux de ces chapelles, qui subsistent encore et qui sont admirables, étaient bâties, quand survint l’incendie de 1306. Cette puissante végétation architecturale s’est arrêtée là. Chose étrange, le quinzième et le seizième siècle n’ont rien fait pour cette église. Le dix-huitième et le dix-neuvième l’ont gâtée.

Cependant, il faut le dire, prise dans l’ensemble et telle qu’elle est, la Chapelle d’Aix a de la masse et de la grandeur. Après quelques instants de contemplation, une majesté singulière se dégage de cet édifice extraordinaire, resté inachevé comme l’œuvre de Charlemagne lui-même, et composé d’architectures qui parlent tous les styles, comme son empire était composé de nations qui parlaient toutes les langues.

À tout prendre, pour le penseur qui la considère du