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ACTE II — LE BANDIT.

Doña Sol.

Ses seigneurs, ses bourreaux…Hernani ! Dieu ! Je tremble !
Eh bien, hâtons-nous donc alors ! fuyons ensemble !

Hernani.

Ensemble ! non, non ; l’heure en est passée ! Hélas !
Doña Sol, à mes yeux quand tu te révélas,
Bonne, et daignant m’aimer d’un amour secourable,
J’ai bien pu vous offrir, moi, pauvre misérable,
Ma montagne, mon bois, mon torrent ; — ta pitié
M’enhardissait, — mon pain de proscrit, la moitié
Du lit vert et touffu que la forêt me donne ;
Mais t’offrir la moitié de l’échafaud ! pardonne,
Doña Sol ! l’échafaud, — c’est à moi seul !

Doña Sol.

Doña Sol ! l’échafaud, — c’est à moi seul ! Pourtant
Vous me l’aviez promis !

Hernani, tombant à ses genoux.

Vous me l’aviez promis !Ange ! ah ! dans cet instant
Où la mort vient peut-être, où s’approche dans l’ombre
Un sombre dénoûment pour un destin bien sombre,
Je le déclare ici, proscrit, traînant au flanc
Un souci profond, né dans un berceau sanglant,
Si noir que soit le deuil qui s’épand sur ma vie,
Je suis un homme heureux et je veux qu’on m’envie ;
Car vous m’avez aimé ! car vous me l’avez dit !
Car vous avez tout bas béni mon front maudit !

Doña Sol, penchée sur sa tête.

Hernani !

Hernani.

Hernani ! Loué soit le sort doux et propice
Qui me mit cette fleur au bord du précipice !

Il se relève.