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Scène III

Les Mêmes, DON RUY GOMEZ DE SILVA,
barbe et cheveux blancs ; en noir. Valets avec des flambeaux.
Don Ruy Gomez.

Des hommes chez ma nièce à cette heure de nuit !
Venez tous ! Cela vaut la lumière et le bruit.
À doña Sol.
Par saint Jean d’Avila, je crois que, sur mon âme,
Nous sommes trois chez vous ! C’est trop de deux, madame.
Aux deux jeunes gens.
Mes jeunes cavaliers, que faites-vous céans ? —
Quand nous avions le Cid et Bernard, ces géants
De l’Espagne et du monde allaient par les Castilles
Honorant les vieillards et protégeant les filles.
C’étaient des hommes forts et qui trouvaient moins lourds
Leur fer et leur acier, que vous votre velours.
Ces hommes-là portaient respect aux barbes grises,
Faisaient agenouiller leur amour aux églises,
Ne trahissaient personne, et donnaient pour raison
Qu’ils avaient à garder l’honneur de leur maison.
S’ils voulaient une femme, ils la prenaient sans tache,
En plein jour, devant tous, et l’épée, ou la hache,
Ou la lance à la main. — Et quant à ces félons
Qui le soir, et les yeux tournés vers leurs talons,
Ne fiant qu’à la nuit leurs manœuvres infâmes,
Par derrière aux maris vol l’honneur des femmes,
J’affirme que le Cid, cet aïeul de nous tous,
Les eût tenus pour vils et fait mettre à genoux,