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NOTES D’HERNANI.

reste, nous signalons ces nuances aux comédiens qui n’auraient pas pu étudier la manière dont ces rôles sont représentés à Paris par trois excellents acteurs, M. Firmin, dont le jeu plein d’âme électrise si souvent l’auditoire ; M. Michelot, que sert une si rare intelligence ; M. Joanny, qui empreint tous ses rôles d’une originalité si vraie et si individuelle.

Quant à Mademoiselle Mars, un de nos meilleurs journaux a dit, avec raison, que le rôle de doña Sol avait été pour elle ce que Charles VI a été pour Talma, c’est-à-dire son triomphe et son chef-d’œuvre. Espérons seulement que la comparaison ne sera pas entièrement juste, et que Mademoiselle Mars, plus heureuse que Talma, ajoutera encore bien des créations à celle-ci. Il est impossible, du reste, à moins de l’avoir vue, de se faire une idée de l’effet que la grande actrice produit dans ce rôle. Dans les quatre premiers actes, c’est bien la jeune catalane, simple, grave, ardente, concentrée. Mais, au cinquième, Mademoiselle Mars donne au rôle un développement immense. Elle y parcourt en quelques instants toute la gamme de son talent, du gracieux au sublime, du sublime au pathétique le plus déchirant. Après les applaudissements elle arrache tant de larmes, que le spectateur perd jusqu’à la force d’applaudir. Arrêtons-nous à cet éloge ; car, on l’a dit spirituellement, les larmes qu’ils font verser parlent contre les rois et pour les comédiens.