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HERNANI.

Celui dont une armée explique le système,
Qui met un fer de lance au bout de ce qu’il dit,
Et compte maint soudard, lansquenet ou bandit,
Dont l’estoc, refaisant la fortune imparfaite,
Taille l’événement au plaisir du prophète.
— Pauvres fous ! qui, l’œil fier, le front haut, visent droit
À l’empire du monde et disent : J’ai mon droit.
Ils ont force canons, rangés en longues files,
Dont le souffle embrasé ferait fondre des villes,
Ils ont vaisseaux, soldats, chevaux, et vous croyez
Qu’ils vont marcher au but sur les peuples broyés…
Bast ! au grand carrefour de la fortune humaine,
Qui mieux encor qu’au trône à l’abîme nous mène,
À peine ils font trois pas, qu’indécis, incertains,
Tâchant en vain de lire au livre des destins,
Ils hésitent, peu sûrs d’eux-même, et dans le doute
Au nécromant du coin vont demander leur route !
À don Ricardo.
— Va-t’en. C’est l’heure où vont venir les conjurés.
Ah ! la clef du tombeau ?

Don Ricardo, remettant une clef au roi.

Ah ! la clef du tombeau ?Seigneur, vous songerez
Au comte de Limbourg, gardien capitulaire,
Qui me l’a confiée et fait tout pour vous plaire.

Don Carlos, le congédiant.

Fais tout ce que j’ai dit ! tout !

Don Ricardo, s’inclinant.

Fais tout ce que j’ai dit ! tout !J’y vais de ce pas,
Altesse !

Don Carlos

Il faut trois coups de canon, n’est-ce pas ?

Don Ricardo s’incline et sort.

Carlos, resté seul, tombe dans une profonde rêverie. Son bras se croisent, sa tête fléchit sur sa poitrine ; puis il se relève et se tourne vers le tombeau.