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vaste assassinat qui est leur règne s’épanouit en gloire. Ils massacrent le peuple dans l’intérêt public. Quand je ne sais plus quel padischah, Tigre IV ou Tigre VI, fait étrangler l’un après l’autre ses dix-neuf petits frères courant effarés autour de la chambre, l’historien né turc déclare que « c’était là exécuter sagement la loi de l’empire ». L’historien russe, Karamsin, n’est pas moins tendre au czar que Cantemir au sultan. Pourtant, disons-le, près de Cantemir la ferveur de Karamsin est tiédeur. Ainsi Pierre, tuant son fils Alexis, est glorifié par Karamsin, mais du ton dont on excuse. Ce n’est point l’acceptation pure et simple de Cantemir. Cantemir est mieux agenouillé. L’historien russe admire seulement, tandis que l’historien turc adore. Nulle flamme dans Karamsin, point de verve, un enthousiasme engourdi, des apothéoses grisâtres, une bonne volonté frappée de congélation, des caresses qui ont l’onglée. C’est mal flatté, évidemment le climat y est pour quelque chose. Karamsin est un Cantemir qui a froid.

Ainsi est faite l’histoire jusqu’à ce jour dominante ; elle va de Bossuet à Karamsin en passant par l’abbé Pluche. Cette histoire a pour principe l’obéissance. A qui doit-on obéissance ? Au succès. Les héros sont bien traités, mais les rois sont préférés. Régner, c’est réussir chaque matin.