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Il y a des cas où le payement de la dette importe plus au débiteur qu’au créancier.

Un monument est exemplaire. La haute tête d’un grand homme est une clarté. Les foules comme les vagues ont besoin de phares au-dessus d’elles. Il est bon que le passant sache qu’il y a des grands hommes. On n’a pas le temps de lire, on est forcé de voir. On va par là, on se heurte au piédestal, on est bien obligé de lever la tête et de regarder un peu l’inscription, on échappe au livre, on n’échappe pas à la statue. Un jour, sur le pont de Rouen, devant la belle statue due à David d’Angers, un paysan monté sur un âne me dit : Connaissez-vous Pierre Corneille ? — Oui, répondis-je. — Il répliqua : Et moi aussi. Je repris : — Et connaissez-vous le Cid ? — Non, dit-il.

Corneille, pour lui, c’était la statue.

Ce commencement de connaissance des grands hommes est nécessaire au peuple. Le monument provoque à connaître l’homme. On désire apprendre à lire pour savoir ce que c’est que ce bronze. Une statue est un coup de coude à l’ignorance.

Il y a donc, à l’exécution de ces monuments, utilité populaire ainsi que justice nationale.

Faire l’utile en même temps que le juste, cela finira certes par tenter l’Angleterre. Elle est