Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/490

Cette page n’a pas encore été corrigée

chez elle jusque dans son lit, reine toute-puissante, femme inaccessible, Elisabeth est vierge comme l’Angleterre est île. Comme l’Angleterre, elle s’intitule Impératrice de la Mer, Basilea Maris. Une profondeur redoutable, où se déchaînent les colères qui décapitent Essex et les tempêtes qui noient l’Armada, défend cette vierge et défend cette île de toute approche. L’Océan a sous sa garde cette pudeur. Un certain célibat, en effet, c’est tout le génie de l’Angleterre. Des alliances, soit ; pas de mariage. L’univers toujours un peu éconduit. Vivre seule, aller seule, régner seule, être seule.

En somme, reine remarquable et admirable nation.

Shakespeare, au contraire, est un génie sympathique. L’insularisme est sa ligature, non sa force. Il le romprait volontiers. Un peu plus, Shakespeare serait européen. Il aime et loue la France ; il l’appelle « le soldat de Dieu ». En outre, chez cette nation prude, il est le poëte libre.

L’Angleterre a deux livres : un qu’elle a fait, l’autre qui l’a faite ; Shakespeare et la Bible. Ces deux livres ne vivent pas en bonne intelligence. La Bible combat Shakespeare.

Certes, comme livre littéraire, la Bible, vaste coupe de l’Orient, plus exubérante encore en