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pas ouvert sur ces terres ingrates sa main pleine de génies. On ne confie pas ce froment à la roche.

L’héroïsme pourtant ne leur est point refusé ; elles auront au besoin, soit le martyr, soit le capitaine ; Léonidas est possible à l’une et Annibal à l’autre ; mais ni Sparte ni Carthage ne sont capables d’Homère. Il leur manque ce je ne sais quoi de tendre dans le sublime qui fait jaillir des entrailles d’un peuple le poëte. Cette tendresse latente, ce flebile nescio quid, l’Angleterre l’a. Preuve, Shakespeare. On pourrait ajouter aussi : preuve, Wilberforce.

. L’Angleterre, marchande comme Carthage, légale comme Sparte, vaut mieux que Sparte et Carthage. Elle est honorée de cette exception auguste, un poëte : avoir enfanté Shakespeare ; cela grandit l’Angleterre.

La place de Shakespeare est parmi les plus sublimes dans cette élite de génies absolus qui, de temps en temps accrue d’un nouveau venu splendide, couronne la civilisation et éclaire de son rayonnement immense le genre humain. Shakespeare est légion. A lui seul il contre-balance notre beau dix-septième siècle français et presque le dix-huitième.

Quand on arrive en Angleterre, la première chose qu’on cherche du regard c’est la statue