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éclatent. Juvénal prend Annibal dans le creux de sa main.

Ce n’est pas le césar, c’est le penseur qui peut dire en expirant : Deus fio. Tant qu’il est un homme, sa chair s’interpose entre les autres hommes et lui. La chair est nuage sur le génie. La mort, cette immense lumière, survient, et pénètre cet homme de son aurore. Plus de chair, plus de matière, plus d’ombre. L’inconnu qu’il avait en lui se manifeste et rayonne. Pour qu’un esprit donne toute sa clarté, il lui faut la mort. L’éblouissement du genre humain commence quand ce qui était un génie devient une âme. Un livre où il y a du fantôme est irrésistible.

Qui est vivant ne paraît pas désintéressé. On se défie de lui. On le conteste parce qu’on le coudoie. Être un vivant, et être un génie, c’est trop. Cela va et vient comme vous, cela marche sur la terre, cela pèse, cela offusque, cela obstrue. Il semble qu’il y ait de l’importunité dans une trop grande présence. Les hommes ne trouvent pas cet homme-là assez leur semblable. Nous l’avons dit déjà, ils lui en veulent. Quel est ce privilégié ? Ce fonctionnaire-là n’est point destituable. La persécution l’augmente, la décapitation le couronne. On ne peut rien contre lui, rien pour lui, rien sur lui. Il est responsable, mais pas devant vous. Il a ses instructions.