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les moyens. C’est là, soit dit en passant, une de ces déviations à la loi ordinaire terrestre qui font rêver et réfléchir la haute critique et lui révèlent le côté mystérieux de l’art. Dans l’art surtout est visible le quid divinum. Le poëte se meut dans son œuvre comme la providence dans la sienne ; il émeut, consterne, frappe, puis relève ou abat, souvent à l’inverse de votre attente, vous creusant l’aine par la surprise. Maintenant méditez. L’art a, comme l’infini, un Parce-que supérieur à tous les Pourquoi. Allez donc demander le pourquoi d’une tempête à l’Océan, ce grand lyrique. Ce qui vous semble odieux ou bizarre a une intime raison d’être. Demandez à Job pourquoi il racle le pus de son ulcère avec un tesson, et à Dante pourquoi il coud avec un fil de fer les paupières des larves du purgatoire, faisant couler de ces coutures on ne sait quels pleurs effroyables [1] ! Job continue de nettoyer sa plaie avec son tesson et d’essuyer son tesson à son fumier, et Dante passe son chemin. De même Shakespeare.

  1. « Et comme le soleil n’arrive pas aux aveugles, ainsi les ombres dont je parlais tout à l’heure n’ont pas le don de la lumière du ciel. A toutes un fil de fer perce et coud les paupières, comme on fait à l’épervier sauvage, lorsqu’il ne demeure pas tranquille. » Le Purgatoire, chapitre xiii — Nous citons l’excellente traduction de M. Fiorentino.