Page:Hugo - William Shakespeare, 1864.djvu/228

Cette page n’a pas encore été corrigée

troisième siècle, pour qu’on fît de Tacite dix copies par an, ou, comme nous parlerions aujourd’hui, pour qu’on le tirât à dix exemplaires, il a fallu qu’un césar s’appelât Tacite et crût Tacite son oncle. Et encore Tacite est presque perdu. Des vingt-huit ans de son Histoire des Césars, allant de l’an soixante-neuf à l’an quatre-vingt-seize, nous n’avons qu’une année entière, soixante-neuf, et un fragment d’année, soixante-dix. Évergète défendit d’exporter le papyrus, ce qui fit inventer le parchemin. Le haut prix du papyrus était tel, que Firmius le Cyclope, fabricant de papyrus, en 270, gagna à cette industrie assez d’argent pour lever des armées, faire la guerre à Aurélien et se déclarer empereur.

Gutenberg est un rédempteur. Ces submersions des œuvres de la pensée, inévitables avant l’invention de l’imprimerie, sont impossibles à présent. L’imprimerie, c’est la découverte de l’intarissable. C’est le mouvement perpétuel trouvé en science sociale. De temps en temps un despote cherche à l’arrêter ou à le ralentir, et s’use au frottement. La pensée impossible à entraver, le progrès inarrêtable, qu’on nous passe le mot, le livre imperdable, tel est le résultat de l’imprimerie. Avant l’imprimerie, la civilisation était sujette à des pertes de substance. Les indications essentielles au progrès, venues de tel