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Et quel poëte jouait-on de préférence sur ces théâtres ? Eschyle.

Eschyle était pour la Grèce le poëte autochtone. Il était plus que grec, il était pélasgique. Il était né à Eleusis, et non-seulement éleusien, mais éleusiaque, c’est-à-dire croyant. C’est la même nuance qu’anglais et anglican. L’élément asiatique, déformation grandiose de ce génie, augmentait le respect. Car on contait que le grand Dionysius, ce Bacchus commun à l’Occident et à l’Orient, venait en songe lui dicter ses tragédies. Vous retrouvez ici « l’Alleur » de Shakespeare.

Eschyle, eupatride et éginétique, semblait aux grecs plus grec qu’eux-mêmes ; dans ces temps de code et de dogme mêlés, être sacerdotal, c’était une haute façon d’être national. Cinquante-deux de ses tragédies avaient été couronnées. En sortant des pièces d’Eschyle, les hommes frappaient sur les boucliers pendus aux portes des temples en criant : Patrie ! patrie ! Ajoutons ceci : être hiératique, cela ne l’empêchait pas d’être démotique. Eschyle aimait le peuple, et le peuple l’adorait. Il y a deux côtés à la grandeur : la majesté est l’un, la familiarité est l’autre. Eschyle était familier avec cette orageuse et généreuse tourbe d’Athènes. Il donnait souvent â cette foule le beau