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SHAKESPEARE

sérail, nous a dérobé Eschyle. Le dédain imbécile peut avoir les mêmes effets que l’adoration imbécile. Shakespeare a failli avoir le sort d’Eschyle. Il a eu, lui aussi, son incendie. Shakespeare était si peu imprimé, l’imprimerie existait si peu pour lui, grâce à l’inepte indifférence de la postérité immédiate ; qu’en 1666 il n’y avait encore qu’une édition du poëte de Stratford-sur-Avon, l’édition d’Hemynge et Condell, tirée à trois cents exemplaires. Shakespeare, avec cette obscure et chétive édition attendant en vain le public, était une sorte de pauvre honteux de la gloire. Ces trois cents exemplaires étaient à peu près tous à Londres en magasin, quand l’incendie de 1666 éclata. Il brûla Londres et faillit brûler Shakespeare. Toute l’édition Hemynge et Condell y disparut, à l’exception de quarante-huit exemplaires vendus en cinquante ans. Ces quarante-huit acheteurs ont sauvé la vie à l’œuvre de Shakespeare.