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continue dans Shakespeare. Quels personnages prend Eschyle ? les volcans : une de ses tragédies perdues s’appelle l’Etna ; puis les montagnes : le Caucase avec Prométhée ; puis la mer : l’Océan sur son dragon, et les vagues, les Océanides ; puis le vaste Orient : les Perses ; puis les ténèbres sans fond : les Euménides. Eschyle fait la preuve de l’homme par le géant. Dans Shakespeare le drame se rapproche de l’humanité, mais reste colossal. Macbeth semble un Atride polaire. Vous le voyez, le drame ouvre la nature, puis ouvre l’âme ; et nulle limite à cet horizon. Le drame c’est la vie, et la vie c’est tout. L’épopée peut n’être que grande, le drame est forcé d’être immense.

Cette immensité, c’est tout Eschyle et c’est tout Shakespeare.

L’immense, dans Eschyle, est une volonté. C’est aussi un tempérament, Eschyle invente le cothurne, qui grandit l’homme, et le masque, qui grossit la voix. Ses métaphores sont énormes. Il appelle Xerxès « l’homme aux yeux de dragon. » La mer, qui est une plaine pour tant de poëtes, est pour Eschyle « une forêt » ; ἄλσος. Ces figures grossissantes, propres aux poëtes suprêmes, et à eux seuls, sont vraies, au fond, d’une vérité de rêverie. Eschyle émeut jusqu’à la convulsion. Ses effets tragiques ressemblent