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Le premier poëte qui arrive, arrive au sommet. Vous monterez après lui, aussi haut, pas plus haut. Ah ! tu t’appelles Dante, soit ; mais celui-ci s’appelle Homère.

Le progrès, but sans cesse déplacé, étape toujours renouvelée, a des changements d’horizon. L’idéal, point.

Or, le progrès est le moteur de la science ; l’idéal est le générateur de l’art.

C’est ce qui explique pourquoi le perfectionnement est propre à la science, et n’est point propre à l’art.

Un savant fait oublier un savant ; un poëte ne fait pas oublier un poëte.

L’art marche à sa manière ; il se déplace comme la science ; mais ses créations successives, contenant de l’immuable, demeurent ; tandis que les admirables à peu près de la science, n’étant et ne pouvant être que des combinaisons du contingent, s’effacent les uns par les autres.

Le relatif est dans la science ; le définitif est dans l’art. Le chef-d’œuvre d’aujourd’hui sera le chef-d’œuvre de demain. Shakespeare change-t-il quelque chose à Sophocle ? Molière ôte-t-il quelque chose à Plaute ? même quand il lui prend Amphitryon, il ne le lui ôte pas. Figaro abolit-il Sancho Pança ? Cordelia supprime-t-elle