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Ici l’orteil démesuré du géant ; ici la griffe de la chimère. Ces poëmes sont la pyramide d’une fourmilière disparue.

Les Niebelungen, autre pyramide d’une autre fourmilière, ont la même grandeur. Ce que les dives ont fait là, les elfes l’ont fait ici. Ces puissantes légendes épiques, testaments des âges, tatouages imprimés par les races sur l’histoire, n’ont pas d’autre unité que l’unité même du peuple. Le collectif et le successif, en se combinant, font un. Turba fit mens. Ces récits sont des brouillards, et de prodigieux éclairs les traversent. Quant au Romancero, qui crée le Cid après Achille et le chevaleresque après l’héroïque, il est l’Iliade de plusieurs Homères perdus. Le comte Julien, le roi Rodrigue, la Cava, Bernard del Carpio, le bâtard Mudarra, Nuno Salido, les sept Infants de Lara, le connétable Alvar de Luna, aucun type oriental ou hellénique ne dépasse ces figures. Le cheval du Campéador vaut le chien d’Ulysse. Entre Priam et Lear, il faut placer don Arias, le vieillard du créneau de Zamora, sacrifiant ses sept fils à son devoir et se les arrachant du cœur l’un après l’autre. Le grand est là. En présence de ces sublimités, le lecteur subit une sorte d’insolation.

Ces œuvres sont anonymes, et, par cette grande raison de l’Homo sum, tout en les admirant,