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achevant sa dérision profonde, il donne pour monture à l’héroïsme la fatigue. Ainsi il montre l’un après l’autre, l’un avec l’autre, les deux profils de l’homme, et les parodie, sans plus de pitié pour le sublime que pour le grotesque. L’hippogriffe devient Rossinante. Derrière le personnage équestre, Cervantes crée et met en marche le personnage asinal. Enthousiasme entre en campagne, Ironie emboîte le pas. Les hauts faits de don Quichotte, ses coups d’éperon, sa grande lance en arrêt, sont jugés par l’âne, connaisseur en moulins. L’invention de Cervantes est magistrale à ce point qu’il y a, entre l’homme type et le quadrupède complément, adhérence statuaire ; le raisonneur comme l’aventurier fait corps avec la bête qui lui est propre, et l’on ne peut pas plus démonter Sancho Pança que don Quichotte. L’Idéal est chez Cervantes comme chez Dante ; mais traité d’Impossible, et raillé. Béatrix est devenue Dulcinée. Railler l’idéal, ce serait là le défaut de Cervantes ; mais ce défaut n’est qu’apparent ; regardez bien ; ce sourire a une larme ; en réalité, Cervantes est pour don Quichotte comme Molière est pour Alceste. Il faut savoir Ère, particulièrement, les livres du seizième siècle ; il y a dans presque tous, à cause des menaces pendantes sur la liberté de pensée, un secret qu’il