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S’interrompant.

Aidez-moi ! —Cette lettre !

Se tournant à demi vers la table.

Aidez-moi ! — Cette lettre !Elle est là qui m’attire.

S’agenouillant de nouveau.

Je ne veux plus la lire ! — Ô reine de douceur !
Vous qu’à tout affligé Jésus donne pour sœur !
Venez, je vous appelle ! —

Elle se lève, fait quelques pas vers la table, puis s’arrête, puis enfin se précipite sur la lettre, comme cédant à une attraction irrésistible.

Venez, je vous appelle ! —Oui, je vais la relire
Une dernière fois ! Après, je la déchire !

Avec un sourire triste.

Hélas ! Depuis un mois je dis toujours cela.

Elle déplie la lettre résolument et lit.

« Madame, sous vos pieds, dans l’ombre, un homme est là
« Qui vous aime, perdu dans la nuit qui le voile ;
« Qui souffre, ver de terre amoureux d’une étoile ;
« Qui pour vous donnera son âme, s’il le faut ;
« Et qui se meurt en bas quand vous brillez en haut. »

Elle pose la lettre sur la table.

Quand l’âme a soif, il faut qu’elle se désaltère,
Fût-ce dans du poison !

Elle remet la lettre et la dentelle dans sa poitrine.

Fût-ce dans du poison !Je n’ai rien sur la terre.