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Scène DEUXIÈME.

LA REINE, seule.

À ses dévotions ? Dis donc à sa pensée !
Où la fuir maintenant ? seule ! ils m’ont tous laissée.
Pauvre esprit sans flambeau dans un chemin obscur !

Rêvant.

Oh ! Cette main sanglante empreinte sur le mur !
Il s’est donc blessé ? Dieu ! — mais aussi c’est sa faute.
Pourquoi vouloir franchir la muraille si haute ?
Pour m’apporter les fleurs qu’on me refuse ici,
Pour cela, pour si peu, s’aventurer ainsi !
C’est aux pointes de fer qu’il s’est blessé sans doute.
Un morceau de dentelle y pendait. Une goutte
De ce sang répandu pour moi vaut tous mes pleurs.

S’enfonçant dans sa rêverie.

Chaque fois qu’à ce banc je vais chercher les fleurs,
Je promets à mon Dieu, dont l’appui me délaisse,
De n’y plus retourner. J’y retourne sans cesse.
— Mais lui ! voilà trois jours qu’il n’est pas revenu.
— Blessé ! — qui que tu sois, ô jeune homme inconnu !
Toi qui, me voyant seule et loin de ce qui m’aime,
Sans me rien demander, sans rien espérer même,
Viens à moi, sans compter les périls où tu cours ;
Toi qui verses ton sang, toi qui risques tes jours
Pour donner une fleur à la reine d’Espagne ;