Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Casilda.

Cet homme-là me hait.Selon votre souhait
N’est-il pas exilé ?

La Reine.

N’est-il pas exilé ? Cet homme-là me hait.

Casilda.

Votre majesté…

La Reine.

Votre majesté…Vrai ! Casilda, c’est étrange,
Ce marquis est pour moi comme le mauvais ange.
L’autre jour, il devait partir le lendemain,
Et, comme à l’ordinaire, il vint au baise-main.
Tous les grands s’avançaient vers le trône à la file ;
Je leur livrais ma main, j’étais triste et tranquille,
Regardant vaguement, dans le salon obscur,
Une bataille au fond peinte sur un grand mur,
Quand tout à coup, mon œil se baissant vers la table,
Je vis venir à moi cet homme redoutable !
Sitôt que je le vis, je ne vis plus que lui.
Il venait à pas lents, jouant avec l’étui
D’un poignard dont parfois j’entrevoyais la lame,
Grave, et m’éblouissant de son regard de flamme.
Soudain il se courba, souple et comme rampant… —
Je sentis sur ma main sa bouche de serpent !