Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/69

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Prenez vos rangs, messieurs.

Les grands rideaux de la galerie vitrée s’ouvrent. Les seigneurs s’échelonnent près de la porte, des gardes font la haie. Ruy Blas, haletant, hors de lui, vient sur le devant comme pour s’y réfugier. Don Salluste l’y suit.
Don Salluste, bas à Ruy Blas.

Prenez vos rangs, messieurs.Est-ce que, sans reproche,
Quand votre sort grandit, votre esprit s’amoindrit ?
Réveillez-vous, Ruy Blas. Je vais quitter Madrid.
Ma petite maison, près du pont, où vous êtes,
— Je n’en veux rien garder, hormis les clefs secrètes, —
Ruy Blas, je vous la donne, et les muets aussi.
Vous recevrez bientôt d’autres ordres. Ainsi
Faites ma volonté, je fais votre fortune.
Montez, ne craignez rien, car l’heure est opportune.
La cour est un pays où l’on va sans voir clair.
Marchez les yeux bandés ; j’y vois pour vous, mon cher !

De nouveaux gardes paraissent au fond du théâtre.
L’Huissier, à haute voix.

La reine !

Ruy Blas, à part.

La reine !La reine ! ah !

La reine, vêtue magnifiquement, paraît, entourée de dames et de pages, sous un dais de velours écarlate porté par quatre gentilshommes de chambre, tête nue. Ruy Blas, effaré, la regarde comme absorbé par cette resplendissante