Vivre dans cette cour de haine et de mensonge,
Mariée à ce roi qui passe tout son temps
À chasser ! Imbécile ! — un sot ! vieux à trente ans !
Moins qu’un homme ! à régner comme à vivre inhabile.
— Famille qui s’en va ! — Le père était débile
Au point qu’il ne pouvait tenir un parchemin.
— Oh ! si belle et si jeune, avoir donné sa main
À ce roi Charles deux ! Elle ! Quelle misère !
— Elle va tous les soirs chez les sœurs du Rosaire.
Tu sais ? en remontant la rue Ortaleza.
Comment cette démence en mon cœur s’amassa,
Je l’ignore. Mais juge ! elle aime une fleur bleue
— D’Allemagne… — Je fais chaque jour une lieue,
Jusqu’à Caramanchel, pour avoir de ces fleurs.
J’en ai cherché partout sans en trouver ailleurs.
J’en compose un bouquet ; je prends les plus jolies…
— Oh ! mais je te dis là des choses, des folies ! —
Puis à minuit, au parc royal, comme un voleur,
Je me glisse et je vais déposer cette fleur
Sur son banc favori. Même, hier, j’osai mettre
Dans le bouquet, — vraiment, plains-moi, frère ! — une lettre !
La nuit, pour parvenir jusqu’à ce banc, il faut
Franchir les murs du parc, et je rencontre en haut
Ces broussailles de fer qu’on met sur les murailles.
Un jour j’y laisserai ma chair et mes entrailles.
Trouve-t-elle mes fleurs, ma lettre ? Je ne sai.
Frère, tu le vois bien, je suis un insensé.
Diable ! ton algarade a son danger. Prends garde.