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Il tire de sa poitrine une petite fiole qu’il pose sur la table.

Oui, meurs maintenant, lâche ! et tombe dans l’abîme !
Meurs comme on doit mourir quand on expie un crime !
Meurs dans cette maison, vil, misérable et seul !

Il écarte sa robe noire, sous laquelle on entrevoit la livrée qu’il portait au premier acte.

— Meurs avec ta livrée enfin sous ton linceul !
— Dieu ! Si ce démon vient voir sa victime morte !

Il pousse un meuble de façon à barricader la porte secrète.

Qu’il n’entre pas du moins par cette horrible porte !

Il revient vers la table.

— Oh ! le page a trouvé Guritan, c’est certain,
Il n’était pas encor huit heures du matin.

Il fixe son regard sur la fiole.

— Pour moi, j’ai prononcé mon arrêt, et j’apprête
Mon supplice, et je vais moi-même sur ma tête
Faire choir du tombeau le couvercle pesant.
J’ai du moins le plaisir de penser qu’à présent
Personne n’y peut rien. Ma chute est sans remède !

S’asseyant sur le fauteuil.

Elle m’aimait pourtant ! — que Dieu me soit en aide !
Je n’ai pas de courage !

Il pleure.

Je n’ai pas de courage !Oh ! l’on aurait bien dû
Nous laisser en paix !

Il cache sa tête dans ses mains et pleure à sanglots.

Nous laisser en paix !Dieu !