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D’un ton bref et impérieux.

— Vous m’attendrez demain toute la matinée,
Chez vous, dans la maison que je vous ai donnée.
La chose que je fais touche à l’événement.
Gardez pour nous servir les muets seulement.
Ayez dans le jardin, caché sous le feuillage,
Un carrosse attelé, tout prêt pour un voyage.
J’aurai soin des relais. Faites tout à mon gré.
— Il vous faut de l’argent. Je vous en enverrai. —

Ruy Blas.

Monsieur, j’obéirai. Je consens à tout faire.
Mais jurez-moi d’abord qu’en toute cette affaire
La reine n’est pour rien.

Don Salluste, qui jouait avec un couteau d’ivoire sur la table, se retourne à demi.

La reine n’est pour rien.De quoi vous mêlez-vous ?

Ruy Blas, chancelant et le regardant avec épouvante.

Oh ! vous êtes un homme effrayant. Mes genoux
Tremblent… Vous m’entraînez vers un gouffre invisible.
Oh ! je sens que je suis dans une main terrible !
Vous avez des projets monstrueux. J’entrevoi
Quelque chose d’horrible… — Ayez pitié de moi.
Il faut que je vous dise, hélas ! jugez vous-même ! —
Vous ne le saviez pas ! cette femme, je l’aime !

Don Salluste, froidement.

Mais si. Je le savais.