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Droits pareils. Au surplus, je suis mal partagé,
La partie entre nous n’est pas égale : j’ai
Le droit du plus ancien, vous le droit du plus jeune.
Donc vous me faites peur. À la table où je jeûne
Voir un jeune affamé s’asseoir avec des dents
Effrayantes, un air vainqueur, des yeux ardents,
Cela me trouble fort. Quant à lutter ensemble
Sur le terrain d’amour, beau champ qui toujours tremble,
De fadaises, mon cher, je sais mal faire assaut,
J’ai la goutte ; et d’ailleurs ne suis point assez sot
Pour disputer le cœur d’aucune Pénélope
Contre un jeune gaillard si prompt à la syncope.
C’est pourquoi, vous trouvant fort beau, fort caressant,
Fort gracieux, fort tendre et fort intéressant,
Il faut que je vous tue.

Ruy Blas.

Il faut que je vous tue.Eh bien, essayez.

Don Guritan.

Il faut que je vous tue. Eh bien, essayez.Comte
De Garofa, demain, à l’heure où le jour monte,
À l’endroit indiqué, sans témoin, ni valet,
Nous nous égorgerons galamment, s’il vous plaît,
Avec épée et dague, en dignes gentilshommes,
Comme il sied quand on est des maisons dont nous sommes.

Il tend la main à Ruy Blas, qui la lui prend.

Pas un mot de ceci, n’est-ce pas ? —

Le comte fait un signe d’adhésion.