Page:Hugo - Notre-Dame de Paris, 1844.djvu/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


ii

la place de grève



I l ne reste aujourd’hui qu’un bien imperceptible vestige de la place de Grève, telle qu’elle existait alors. C’est la charmante tourelle qui occupe l’angle nord de la place, et qui, déjà ensevelie sous l’ignoble badigeonnage qui empâte les vives arêtes de ses sculptures, aura bientôt disparu peut-être, submergée par cette crue de maisons neuves qui dévore si rapidement toutes les vieilles façades de Paris.

Les personnes qui, comme nous, ne passent jamais sur la place de Grève sans donner un regard de pitié et de sympathie à cette pauvre tourelle étranglée entre deux masures du temps de Louis XV, peuvent reconstruire aisément dans leur pensée l’ensemble d’édifices auquel elle appartenait, et y retrouver entière la vieille place gothique du quinzième siècle.

C’était, comme aujourd’hui, un trapèze irrégulier bordé d’un côté par le quai, et des trois autres par une série de maisons hautes, étroites et sombres. Le jour, on pouvait admirer la variété de ses édifices, tous sculptés en pierre ou en bois, et présentant déjà de complets échantillons des diverses architectures domestiques du moyen âge, en remontant du quinzième au onzième siècle, depuis la croisée, qui commençait à détrôner l’ogive, jusqu’au plein-cintre roman, qui avait été supplanté par l’ogive, et qui occupait encore, au-dessous d’elle, le premier étage de cette ancienne maison de la Tour-Roland, angle de la place sur la Seine, du côté de la rue de la Tannerie. La nuit, on ne distinguait de cette masse d’édi-