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notre-dame de paris.

C’est la charmante salle capitulaire demi-gothique de Bocherville, à laquelle la couche romane vient jusqu’à mi-corps. C’est la cathédrale de Rouen, qui serait entièrement gothique, si elle ne baignait par l’extrémité de sa flèche centrale dans la zone de la renaissance[1].

Du reste, toutes ces nuances, toutes ces différences n’affectent que la surface des édifices. C’est l’art qui a changé de peau. La constitution même de l’église chrétienne n’en est pas attaquée. C’est toujours la même charpente intérieure, la même disposition logique des parties. Quelle que soit l’enveloppe sculptée et brodée d’une cathédrale, on retrouve toujours dessous, au moins à l’état de germe et de rudiment, la basilique romaine. Elle se développe éternellement sur le sol selon la même loi. Ce sont imperturbablement deux nefs qui s’entrecoupent en croix, et dont l’extrémité supérieure, arrondie en apside, forme le chœur ; ce sont toujours des bas- côtés, pour les processions intérieures, pour les chapelles, sortes de promenoirs latéraux où la nef principale se dégorge par les entrecolonnements. Cela posé, le nombre des chapelles, des portails, des clochers, des aiguilles, se modifie à l’infini, suivant la fantaisie du siècle, du peuple, de l’art. Le service du culte une fois pourvu et assuré, l’architecture fait ce que bon lui semble. Statues, vitraux, rosaces, arabesques, dentelures, chapiteaux, bas-reliefs, elle combine toutes ces imaginations selon le logarithme qui lui convient. De là la prodigieuse variété extérieure de ces édifices au fond desquels réside tant d’ordre et d’unité. Le tronc de l’arbre est immuable ; la végétation est capricieuse.

  1. Cette partie de la flèche, qui était en charpente, est précisément celle qui a été consumée par le feu du ciel en 1823.