Gubetta. —Savez-vous, madame, que je ne vous comprends plus, et que depuis quelque temps vous êtes devenue indéchiffrable pour moi ? Il y a un mois, votre altesse annonce qu’elle part pour Spolette, prend congé de monseigneur don Alphonse D’Este, votre mari, qui a du reste la bonhomie d’être amoureux de vous comme un tourtereau et jaloux comme un tigre ; votre altesse donc quitte Ferrare, et s’en vient secrètement à Venise, presque sans suite, affublée d’un faux nom napolitain, et moi d’un faux nom espagnol. Arrivée à Venise, votre altesse se sépare de moi, et m’ordonne de ne pas la connaître ; et puis, vous vous mettez à courir les fêtes, les musiques, les tertullias à l’espagnole, profitant du carnaval pour aller partout masquée, cachée à tous, déguisée, me parlant à peine entre deux portes chaque soir ; et voilà que toute cette mascarade se termine par un sermon que vous me faites ! Un sermon de vous à moi, madame ! Cela n’est-il pas véhément et prodigieux ? Vous avez métamorphosé votre nom, vous avez métamorphosé votre habit, à présent vus métamorphosez votre âme ! En honneur, c’est pousser furieusement loin le carnaval. Je m’y perds. Où est la cause de cette conduite de la part de votre altesse ?