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active à six jours, c’est-à-dire prend aux anglais le septième de leur capital. Et aucune résistance n’est possible. Le dimanche règne par les mœurs, despotes bien autres que les lois. Le dimanche, ce roi d’Angleterre, a pour prince de Galles le spleen. Il a le droit d’ennui. Il ferme les ateliers, les laboratoires, les bibliothèques, les musées, les théâtres, presque les jardins et les bois. Du reste, insistons-y, le dimanche anglais opprime moins Jersey que Guernesey. À Guernesey, une pauvre tavernière française verse un verre de bière à un promeneur ; c’est le dimanche, quinze jours de prison. Un proscrit, bottier, veut travailler le dimanche afin de nourrir sa femme et ses enfants ; il ferme ses volets pour qu’on n’entende pas son marteau ; si on l’entend, amende. Un dimanche, un peintre, frais débarqué de Paris, s’arrête sur un chemin pour dessiner un arbre, un centenier l’interpelle, lui enjoint de cesser ce scandale, et, par clémence, veut bien ne point le loger au greffe. Un barbier de Southampton rase un passant le dimanche ; il paye trois livres sterling au fisc. C’est tout simple, Dieu s’étant reposé ce jour-là.

Heureux, du reste, le peuple qui est libre six jours sur sept. Dimanche étant donné comme synonyme de servitude, nous connaissons des nations dont la semaine a sept dimanches.

Tôt ou tard, ces dernières entraves tomberont. Sans doute l’esprit d’orthodoxie est tenace. Sans doute le procès intenté à l’évêque Golensa, par exemple, est grave. Pensez pourtant au chemin qu’a fait l’Angleterre dans la liberté depuis le temps où Elliot était traduit en cour d’assises pour avoir dit que le soleil était habité.