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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

soit aux stations de la plage, les voyageurs, et les transportaient, eux et leurs bagages, souvent par de très grosses mers et toujours sans accident, aux navires en partance. Le vent d’est est un vent de côté, très bon pour la traversée d’Angleterre ; on roule, mais on ne tangue pas.

Quand le bâtiment en partance était dans le port, tout le monde s’embarquait dans le port ; quand il était en rade, on avait le choix de s’embarquer sur un des points de la côte voisins du mouillage. On trouvait dans toutes les criques des bateliers « à volonté ».

Le Havelet était une de ces criques. Ce petit havre, Havelet, était tout près de la ville, mais si solitaire qu’il en semblait très loin. Il devait cette solitude à l’encaissement des hautes falaises du fort George qui dominent cette anse discrète. On arrivait au Havelet par plusieurs sentiers. Le plus direct longeait le bord de l’eau ; il avait l’avantage de mener à la ville et à l’église en cinq minutes, et l’inconvénient d’être couvert par la lame deux fois par jour. Les autres sentiers, plus ou moins abrupts, s’enfonçaient dans les anfractuosités des escarpements. Le Havelet, même en plein jour, était dans une pénombre. Des blocs en porte-à-faux pendaient de toutes parts. Un hérissement de ronces et de broussailles s’épaississait et faisait une sorte de douce nuit sur ce désordre de roches et de vagues ; rien de plus paisible que cette crique en temps calme, rien de plus tumultueux dans les grosses eaux. Il y avait là des pointes de branches perpétuellement mouillées par l’écume. Au printemps c’était plein de fleurs, de nids, de parfums, d’oiseaux, de papillons et d’abeilles. Grâce aux travaux récents, ces