Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/268

Cette page a été validée par deux contributeurs.
258
LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Clubin avait voulu partir, quoique averti, et sachant qu’il allait chercher le brouillard. L’équipage de la Durande avait parlé. Au fait, le chargement était manqué et l’arrimage était mal fait, négligence aisée à comprendre, si le capitaine veut perdre le navire. Le passager guernesiais avait parlé ; Clubin avait cru naufrager sur les Hanois. Les gens de Torteval avaient parlé ; Clubin y était venu quelques jours avant la perte de la Durande, et avait dirigé sa promenade vers Plainmont voisin des Hanois. Il portait un sac-valise. « Il était parti avec, et revenu sans. » Les déniquoiseaux avaient parlé ; leur histoire avait paru pouvoir se rattacher à la disparition de Clubin, à la seule condition d’y remplacer les revenants par des contrebandiers. Enfin la maison visionnée de Plainmont elle-même avait parlé ; des gens décidés à se renseigner l’avaient escaladée, et avaient trouvé dedans, quoi ? Précisément le sac-valise de Clubin. La Douzaine de Torteval avait saisi le sac, et l’avait fait ouvrir. Il contenait des provisions de bouche, une longue-vue, un chronomètre, des vêtements d’homme et du linge marqué aux initiales de Clubin. Tout cela, dans les propos de Saint-Malo et de Guernesey, se construisait, et finissait par faire un à peu près de baraterie. On rapprochait des linéaments confus ; on constatait un dédain singulier des avis, une acceptation des chances de brouillard, une négligence suspecte dans l’arrimage, une bouteille d’eau-de-vie, un timonier ivre, une substitution du capitaine au timonier, un coup de barre au moins bien maladroit. L’héroïsme de demeurer sur l’épave devenait coquinerie. Clubin du reste s’était trompé d’écueil. L’intention de baraterie admise, on com-