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LE LABEUR

Guernesey. En moins de dix minutes, la panse fut retirée de dessous la carcasse échouée. Plus de crainte que la cheminée fût désormais reprise au piège. Le flux pouvait monter.

Pourtant Gilliatt n’avait point l’air d’un homme qui va partir.

Il considéra encore la phosphorescence, et leva les ancres ; mais ce ne fut point pour déplanter, ce fut pour affourcher de nouveau la panse, et très solidement ; près de la sortie, il est vrai.

Il n’avait employé jusque-là que les deux ancres de la panse, et il ne s’était pas encore servi de la petite ancre de la Durande, retrouvée, on s’en souvient, dans les brisants. Cette ancre avait été déposée par lui, toute prête aux urgences, dans un coin de la panse, avec un en-cas de haussières et de poulies de guinderesses, et son câble tout garni d’avance de bosses très cassantes, ce qui empêche la chasse. Gilliatt mouilla cette troisième ancre, en ayant soin de rattacher le câble à un grelin dont un bout était en ralingue à l’organeau de l’ancre, et dont l’autre bout se garnissait au guindoir de la panse. Il pratiqua de cette façon une sorte d’affourche en patte d’oie, bien plus forte que l’affourche à deux ancres. Ceci indiquait une vive préoccupation, et un redoublement de précautions. Un marin eût reconnu dans cette opération quelque chose de pareil au mouillage d’un temps forcé, quand on peut craindre un courant qui prendrait le navire par sous le vent.

La phosphorescence, que Gilliatt surveillait et sur laquelle il avait l’œil fixé, le menaçait peut-être, mais en même temps le servait. Sans elle il eût été prisonnier du