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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

clarté mise en poudre ; est-ce une semence ? Est-ce une cendre ? Des millions de flambeaux, nul éclairage ; une vaste ignition qui ne dit pas son secret, une diffusion de feu en poussière qui semble une volée d’étincelles arrêtée, le désordre du tourbillon et l’immobilité du sépulcre, le problème offrant une ouverture de précipice, l’énigme montrant et cachant sa face, l’infini masqué de noirceur, voilà la nuit. Cette superposition pèse à l’homme.

Cet amalgame de tous les mystères à la fois, du mystère cosmique comme du mystère fatal, accable la tête humaine.

La pression de l’ombre agit en sens inverse sur les différentes espèces d’âmes. L’homme devant la nuit se reconnaît incomplet. Il voit l’obscurité et sent l’infirmité. Le ciel noir, c’est l’homme aveugle. L’homme, face à face avec la nuit, s’abat, s’agenouille, se prosterne, se couche à plat ventre, rampe vers un trou, ou se cherche des ailes. Presque toujours il veut fuir cette présence informe de l’inconnu. Il se demande ce que c’est ; il tremble, il se courbe, il ignore ; parfois aussi il veut y aller.

Aller où ?

Là.

Là ? Qu’est-ce ? Et qu’y a-t-il ?

Cette curiosité est évidemment celle des choses défendues, car de ce côté tous les ponts autour de l’homme sont rompus. L’arche de l’infini manque. Mais le défendu attire, étant gouffre. Où le pied ne va pas, le regard peut atteindre, où le regard s’arrête, l’esprit peut continuer. Pas d’homme qui n’essaie, si faible, et si insuffisant qu’il soit. L’homme,