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SUPRÊME OMBRE, SUPRÊME AURORE.

lement. Il faudra avoir une voiture, de temps en temps une loge aux théâtres, de belles toilettes de bal, ma Cosette, et puis donner de bons dîners à vos amis, être très heureux. J’écrivais tout à l’heure à Cosette. Elle trouvera ma lettre. C’est à elle que je lègue les deux chandeliers qui sont sur la cheminée. Ils sont en argent ; mais pour moi ils sont en or, ils sont en diamant ; ils changent les chandelles qu’on y met en cierges. Je ne sais pas si celui qui me les a donnés est content de moi là-haut. J’ai fait ce que j’ai pu. Mes enfants, vous n’oublierez pas que je suis un pauvre, vous me ferez enterrer dans le premier coin de terre venu sous une pierre pour marquer l’endroit. C’est là ma volonté. Pas de nom sur la pierre. Si Cosette veut venir un peu quelquefois, cela me fera plaisir. Vous aussi, monsieur Pontmercy. Il faut que je vous avoue que je ne vous ai pas toujours aimé ; je vous en demande pardon. Maintenant, elle et vous, vous n’êtes qu’un pour moi. Je vous suis très reconnaissant. Je sens que vous rendez Cosette heureuse. Si vous saviez, monsieur Pontmercy, ses belles joues roses, c’était ma joie ; quand je la voyais un peu pâle, j’étais triste. Il y a dans la commode un billet de cinq cents francs. Je n’y ai pas touché. C’est pour les pauvres. Cosette, vois-tu ta petite robe, là, sur le lit ? la reconnais-tu ? Il n’y a pourtant que dix ans de cela. Comme le temps passe ! Nous avons été bien heureux. C’est fini. Mes enfants, ne pleurez pas, je ne vais pas très loin. Je vous verrai de là. Vous n’aurez qu’à regarder quand il fera nuit, vous me verrez sourire. Cosette, te rappelles-tu Montfermeil ? Tu étais dans le bois, tu avais bien peur ; te rappelles-tu quand j’ai pris l’anse du seau d’eau ? C’est la