Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/510

Cette page a été validée par deux contributeurs.
500
LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

Est-ce que vous vous imaginez qu’on meurt comme cela ? Vous avez eu du chagrin, vous n’en aurez plus. C’est moi qui vous demande pardon, et à genoux encore ! Vous allez vivre, et vivre avec nous, et vivre longtemps. Nous vous reprenons. Nous sommes deux ici qui n’aurons désormais qu’une pensée, votre bonheur !

— Vous voyez bien, reprit Cosette tout en larmes, que Marius dit que vous ne mourrez pas.

Jean Valjean continuait de sourire.

— Quand vous me reprendriez, monsieur Pontmercy, cela ferait-il que je ne sois pas ce que je suis ? Non, Dieu a pensé comme vous et moi, et il ne change pas d’avis ; il est utile que je m’en aille. La mort est un bon arrangement. Dieu sait mieux que nous ce qu’il nous faut. Que vous soyez heureux, que monsieur Pontmercy ait Cosette, que la jeunesse épouse le matin, qu’il y ait autour de vous, mes enfants, des lilas et des rossignols, que votre vie soit une belle pelouse avec du soleil, que tous les enchantements du ciel vous remplissent l’âme, et maintenant, moi qui ne suis bon à rien, que je meure ; il est sûr que tout cela est bien. Voyez-vous, soyons raisonnables, il n’y a plus rien de possible maintenant, je sens tout à fait que c’est fini. Il y a une heure, j’ai eu un évanouissement. Et puis, cette nuit, j’ai bu tout ce pot d’eau qui est là. Comme ton mari est bon, Cosette ! tu es bien mieux qu’avec moi.

Un bruit se fit à la porte. C’était le médecin qui entrait.

— Bonjour et adieu, docteur, dit Jean Valjean. Voici mes pauvres enfants.

Marius s’approcha du médecin. Il lui adressa ce seul