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SUPRÊME OMBRE, SUPRÊME AURORE.

Une semaine s’écoula sans que Jean Valjean fît un pas dans sa chambre. Il demeurait toujours couché. La portière disait à son mari : — Le bonhomme de là-haut ne se lève plus, il ne mange plus, il n’ira pas loin. Ça a des chagrins, ça. On ne m’ôtera pas de la tête que sa fille est mal mariée.

Le portier répliqua avec l’accent de la souveraineté maritale :

— S’il est riche, qu’il ait un médecin. S’il n’est pas riche, qu’il n’en ait pas. S’il n’a pas de médecin, il mourra.

— Et s’il en a un ?

— Il mourra, dit le portier.

La portière se mit à gratter avec un vieux couteau de l’herbe qui poussait dans ce qu’elle appelait son pavé, et tout en arrachant l’herbe, elle grommelait :

— C’est dommage. Un vieillard qui est si propre ! Il est blanc comme un poulet.

Elle aperçut au bout de la rue un médecin du quartier qui passait ; elle prit sur elle de le prier de monter.

— C’est au deuxième, lui dit-elle. Vous n’aurez qu’à entrer. Comme le bonhomme ne bouge plus de son lit, la clef est toujours à la porte.

Le médecin vit Jean Valjean et lui parla.

Quand il redescendit, la portière l’interpella :

— Eh bien, docteur ?

— Votre malade est bien malade.

— Qu’est-ce qu’il a ?

— Tout et rien. C’est un homme qui, selon toute apparence, a perdu une personne chère. On meurt de cela.