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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

Du reste, ce qu’on appelle beaucoup trop durement, dans de certains cas, l’ingratitude des enfants, n’est pas toujours une chose aussi reprochable qu’on le croit. C’est l’ingratitude de la nature. La nature, nous l’avons dit ailleurs, « regarde devant elle ». La nature divise les êtres vivants en arrivants et en partants. Les partants sont tournés vers l’ombre, les arrivants vers la lumière. De là un écart qui, du côté des vieux, est fatal, et, du côté des jeunes, involontaire. Cet écart, d’abord insensible, s’accroît lentement comme toute séparation de branches. Les rameaux, sans se détacher du tronc, s’en éloignent. Ce n’est pas leur faute. La jeunesse va où est la joie, aux fêtes, aux vives clartés, aux amours. La vieillesse va à la fin. On ne se perd point de vue, mais il n’y a plus d’étreinte. Les jeunes gens sentent le refroidissement de la vie ; les vieillards celui de la tombe. N’accusons pas ces pauvres enfants.