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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

bout de son index sur l’ongle de son pouce, puis il éleva la voix :

— Tout est à peu près fini. Il me reste une dernière chose…

— Laquelle ?

Jean Valjean eut comme une suprême hésitation, et, sans voix, presque sans souffle, il balbutia plus qu’il ne dit :

— À présent que vous savez, croyez-vous, monsieur, vous qui êtes le maître, que je ne dois plus voir Cosette ?

— Je crois que ce serait mieux, répondit froidement Marius.

— Je ne la verrai plus, murmura Jean Valjean.

Et il se dirigea vers la porte.

Il mit la main sur le bec-de-cane, le pêne céda, la porte s’entre-bâilla, Jean Valjean l’ouvrit assez pour pouvoir passer, demeura une seconde immobile, puis referma la porte et se retourna vers Marius.

Il n’était plus pâle, il était livide, il n’y avait plus de larmes dans ses yeux, mais une sorte de flamme tragique. Sa voix était redevenue étrangement calme.

— Tenez, monsieur, dit-il, si vous voulez, je viendrai la voir. Je vous assure que je le désire beaucoup. Si je n’avais pas tenu à voir Cosette, je ne vous aurais pas fait l’aveu que je vous ai fait, je serais parti ; mais voulant rester dans l’endroit où est Cosette et continuer de la voir, j’ai dû honnêtement tout vous dire. Vous suivez mon raisonnement, n’est-ce pas ? c’est là une chose qui se comprend. Voyez-vous, il y a neuf ans passés que je l’ai près de moi. Nous avons demeuré d’abord dans cette masure du boulevard,