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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

les temps futurs, oui, tu as raison. Tu n’avais ni père ni mère, Feuilly ; tu as adopté pour mère l’humanité et pour père le droit. Tu vas mourir ici, c’est-à-dire triompher. Citoyens, quoi qu’il arrive aujourd’hui, par notre défaite aussi bien que par notre victoire, c’est une révolution que nous allons faire. De même que les incendies éclairent toute la ville, les révolutions éclairent tout le genre humain. Et quelle révolution ferons-nous ? Je viens de le dire, la révolution du Vrai. Au point de vue politique, il n’y a qu’un seul principe, la souveraineté de l’homme sur lui-même. Cette souveraineté de moi sur moi s’appelle Liberté. Là où deux ou plusieurs de ces souverainetés s’associent commence l’état. Mais dans cette association il n’y a nulle abdication. Chaque souveraineté concède une certaine quantité d’elle-même pour former le droit commun. Cette quantité est la même pour tous. Cette identité de concession que chacun fait à tous s’appelle Égalité. Le droit commun n’est pas autre chose que la protection de tous rayonnant sur le droit de chacun. Cette protection de tous sur chacun s’appelle Fraternité. Le point d’intersection de toutes ces souverainetés qui s’agrègent s’appelle Société. Cette intersection étant une jonction, ce point est un nœud. De là ce qu’on appelle le lien social. Quelques-uns disent contrat social ; ce qui est la même chose, le mot contrat étant étymologiquement formé avec l’idée de lien. Entendons-nous sur l’égalité ; car si la liberté est le sommet, l’égalité est la base. L’égalité, citoyens, ce n’est pas toute la végétation à niveau, une société de grands brins d’herbe et de petits chênes ; un voisinage de jalousies s’entre-châtrant ; c’est, civilement,