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LES MISÉRABLES. — JEAN VALJEAN.

parole haute et magistrale du grand-père, les violons, le cliquetis des assiettes et des verres, les éclats de rire, et dans toute cette rumeur gaie il distinguait la douce voix joyeuse de Cosette.

Il quitta la rue des Filles-du-Calvaire et s’en revint rue de l’Homme-Armé.

Pour s’en retourner, il prit par la rue Saint-Louis, la rue Culture-Sainte-Catherine et les Blancs-Manteaux ; c’était un peu plus long, mais c’était le chemin par où, depuis trois mois, pour éviter les encombrements et les boues de la rue Vieille-du-Temple, il avait coutume de venir tous les jours, de la rue de l’Homme-Armé à la rue des Filles-du-Calvaire, avec Cosette.

Ce chemin où Cosette avait passé excluait pour lui tout autre itinéraire.

Jean Valjean rentra chez lui. Il alluma sa chandelle et monta. L’appartement était vide. Toussaint elle-même n’y était plus. Le pas de Jean Valjean faisait dans les chambres plus de bruit qu’à l’ordinaire. Toutes les armoires étaient ouvertes. Il pénétra dans la chambre de Cosette. Il n’y avait pas de draps au lit. L’oreiller de coutil, sans taie et sans dentelles, était posé sur les couvertures pliées au pied du matelas dont on voyait la toile et où personne ne devait plus coucher. Tous les petits objets féminins auxquels tenait Cosette avaient été emportés ; il ne restait que les gros meubles et les quatre murs. Le lit de Toussaint était également dégarni. Un seul lit était fait et semblait attendre quelqu’un, c’était celui de Jean Valjean.

Jean Valjean regarda les murailles, ferma quelques