Page:Hugo - Les Misérables Tome V (1890).djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.
327
LE PETIT-FILS ET LE GRAND-PÈRE.

de sous-pieds, on n’avait pas de bottes. On était pimpant, lustré, moiré, mordoré, voltigeant, mignon, coquet, ce qui n’empêchait pas d’avoir l’épée au côté. Le colibri a bec et ongles. C’était le temps des Indes galantes. Un des côtés du siècle était le délicat, l’autre était le magnifique ; et, par la vertu-chou ! on s’amusait. Aujourd’hui on est sérieux. Le bourgeois est avare, la bourgeoise est prude ; votre siècle est infortuné. On chasserait les Grâces comme trop décolletées. Hélas ! on cache la beauté comme une laideur. Depuis la révolution, tout a des pantalons, même les danseuses ; une baladine doit être grave ; vos rigodons sont doctrinaires. Il faut être majestueux. On serait bien fâché de ne pas avoir le menton dans sa cravate. L’idéal d’un galopin de vingt ans qui se marie, c’est de ressembler à monsieur Royer-Collard. Et savez-vous à quoi l’on arrive avec cette majesté là ? à être petit. Apprenez ceci : la joie n’est pas seulement joyeuse ; elle est grande. Mais soyez donc amoureux gaîment, que diable ! mariez-vous donc, quand vous vous mariez, avec la fièvre et l’étourdissement et le vacarme et le tohu-bohu du bonheur ! De la gravité à l’église, soit. Mais, sitôt la messe finie, sarpejeu ! il faudrait faire tourbillonner un songe autour de l’épousée. Un mariage doit être royal et chimérique ; il doit promener sa cérémonie de la cathédrale de Reims à la pagode de Chanteloup. J’ai horreur d’une noce pleutre. Ventregoulette ! soyez dans l’olympe, au moins ce jour-là. Soyez des dieux. Ah ! l’on pourrait être des sylphes, des Jeux et des Ris, des argyraspides ; on est des galoupiats ! Mes amis, tout nouveau marié doit être le prince Aldobrandini. Profitez de cette minute