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LE PETIT-FILS ET LE GRAND-PÈRE.

il prodiguait tout à Cosette. Cosette, émerveillée, éperdue d’amour pour Marius et effarée de reconnaissance pour M. Gillenormand, rêvait un bonheur sans bornes vêtu de satin et de velours. Sa corbeille de noces lui apparaissait soutenue par les séraphins. Son âme s’envolait dans l’azur avec des ailes de dentelle de Malines.

L’ivresse des amoureux n’était égalée, nous l’avons dit, que par l’extase du grand-père. Il y avait comme une fanfare dans la rue des Filles-du-Calvaire.

Chaque matin, nouvelle offrande de bric-à-brac du grand-père à Cosette. Tous les falbalas possibles s’épanouissaient splendidement autour d’elle.

Un jour Marius, qui, volontiers, causait gravement à travers son bonheur, dit à propos de je ne sais quel incident :

— Les hommes de la révolution sont tellement grands, qu’ils ont déjà le prestige des siècles, comme Caton et comme Phocion, et chacun d’eux semble une mémoire antique.

— Moire antique ! s’écria le vieillard. Merci, Marius. C’est précisément l’idée que je cherchais.

Et le lendemain une magnifique robe de moire antique couleur thé s’ajoutait à la corbeille de Cosette.

Le grand-père extrayait de ces chiffons une sagesse.

— L’amour, c’est bien ; mais il faut cela avec. Il faut de l’inutile dans le bonheur. Le bonheur, ce n’est que le nécessaire. Assaisonnez-le-moi énormément de superflu. Un palais et son cœur. Son cœur et le Louvre. Son cœur et les grandes eaux de Versailles. Donnez-moi ma bergère et tâchez